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Crises internes des partis politiques et gestion de l’image

En Côte d’Ivoire, les partis politiques ne sont pas épargnés par les crises internes. Ces dissensions inhérentes à la vie des organisations, mal gérées, peuvent fragiliser leur unité et altérer l’image publique de leurs leaders, surtout lorsque ces crises sont surmédiatisées comme le facilitent aujourd’hui les réseaux sociaux numériques qui donnent de l’écho au moindre fait. Au milieu des turbulences, la gestion de l’image avec un storytelling percutant s’impose comme une compétence stratégique pour maintenir ou rehausser la crédibilité de ces organisations et des personnalités qui les animent.

Quand la crise révèle un déficit de gouvernance

Les crises internes aux partis surgissent généralement lorsqu’il y a des désaccords sur la ligne politique ou des frustrations liées à la distribution des postes. Les querelles de leadership en constituent également l’une des causes. Ces crises sont, pour la plupart, révélatrices des limites du fonctionnement de ces partis, parfois construits autour de figures dominantes, avec des mécanismes de résolution des conflits qui ne fonctionnent pas toujours correctement.

Le Rassemblement des Républicains (RDR) a connu dans les années 2000 des tensions notables, notamment avec les cas Adama Coulibaly (Adama Champion), Zémogo Fofana, Jean-Jacques Béchio, Georges Coffy et autres. En désaccord avec la ligne politique de la direction du RDR solidement engagée pour rectifier l’éligibilité contestée à l’élection présidentielle de Côte d’Ivoire de son leader Alassane Ouattara, ces personnalités importantes du parti ont choisi de s’en éloigner en claquant la porte. Malgré leur départ, le RDR n’a pas modifié sa stratégie. Il a même renforcé son récit fondateur présentant son leader, Alassane Ouattara, comme l’homme providentiel pour la Côte d’Ivoire.

Gérer les transitions et les conflits de leadership

En ce qui concerne la crise qui a opposé Laurent Gbagbo à Affi N’guessan, au FPI, elle a débouché sur une scission du parti et occasionné la création du PPA-CI. Contrairement à Zémogo Fofana qui a réintégré le RDR après avoir dissous son parti, l’Alliance pour la Nouvelle Côte d’Ivoire, le PPA-CI porté par Laurent Gbagbo a montré une dynamique ascendante au point de disputer, en termes de mobilisation, le leadership de l’opposition au PDCI-RDA, laissant loin derrière le FPI d’Affi N’guessan.

Ce dernier cas met en lumière le rôle puissant du storytelling. La narration originale de Laurent Gbagbo, construit autour de l’idée de mener des combats plus importants, a soutenu la renaissance de son mouvement idéologique et la mobilisation de l’opinion publique. Cette narration s’est incarnée dans le récit de ses partisans, qui, chahutant leurs anciens camarades, leur disaient notamment : « On leur a laissé l’enveloppe (coquille vide à Affi N’guessan) et on est parti avec le contenu (légitimité, valeurs et militants) pour mener de grands combats (cause plus noble qu’une guéguerre pour s’approprier la direction d’un parti) ».

Adopter le storytelling pour refonder un parti

A côté de ces deux exemples, il faut noter que la gestion de l’image peut se faire autrement que par la résignation ou par l’abandon de l’existant pour la création d’un nouvel instrument politique. Le PDCI-RDA, longtemps force politique dominante, a aussi connu des crises internes. Le parti a dès lors adopté une stratégie de gestion de l’image différente basée sur une posture pacifiste, sur la ritualisation des événements liés à Houphouët-Boigny pour raviver la mémoire collective autour du sentiment d’appropriation des valeurs de son leader emblématique, et au recentrage médiatique pour affirmer ses positions.

Mais, quelles qu’elles soient, ces stratégies de gestion de l’image, pour être efficaces, doivent répondre à un double impératif : clarifier sans délai les orientations du parti et reconquérir l’opinion publique. Dans un tel contexte, l’enjeu de la communication politique est hautement stratégique. Elle va permettre de restaurer la confiance par un discours cohérent et d’affirmer dans le même temps le leadership de la figure dominante.

Transitions, conflits internes et résilience politique

Ce qui distingue les partis résilients des partis en déclin, c’est leur capacité à canaliser les tensions vers des dynamiques constructives : par exemple, organiser de grands meetings, des mobilisations fédératrices,… pour juguler ces tensions et rallier l’opinion.

Les mécanismes de gestion de crise réussis vont intégrer les médiations internes structurées autour de lamise en place de comités d’arbitrage ou d’instances de conciliation dotées de légitimité. Des règles précises sur la désignation des leaders, la gestion des candidatures et la distribution des postes font partie de ces mécanismes. Cela s’appelle la clarté statutaire. Il faut enfin que les organes officiels du parti évitent les silences trop longs sur les sujets importants de la vie du parti et de la société, toutes choses qui nourrissent la rumeur et fragilisent la cohésion militante. C’est d’adopter une communication proactive.

En Côte d’Ivoire, de nombreux partis, à l’instar du MFA d’Anaky Kobenan, ont échoué à institutionnaliser ces mécanismes et ont laissé les divisions s’exacerber publiquement. C’est pourtant dans ce contexte que le storytelling et la stratégie narrative sont des outils puissants.

En fin de compte, que ce soit dans le cas du PDCI, du PPA-CI ou du RDR, les crises internes ne condamnent pas toujours les partis politiques. Elles ont révélé la capacité de ces partis à s’adapter en s’inventant, chacun, un storytelling politique structurant. Chaque récit va alors légitimer la rupture ou la continuité, personnifier le combat et créer un espoir collectif : le PDCI dit vouloir construire le pays sur des valeurs fondamentales, le PPA-CI mise sur l’espoir d’un redressement citoyen et promet la souveraineté nationale ainsi que la justice sociale, le RDR propose de bâtir un pays émergent avec des champions nationaux. A chacun son récit, son storytelling, son image, et au peuple le choix souvérain.

Conclusion

Storytelling, certes, pour indiquer une direction, mais le récit politique doit être crédible. Le FPI d’Affi N’guessan en fait aujourd’hui les frais pour avoir sans doute surestimer ses forces, lui qui peine à se réinventer et voit ses cadres le combattre encore plus vigoureusement qu’il ne l’a fait face à Laurent Gbagbo, s’il ne le quitte pas tout simplement.

En politique, l’image est essentielle. Les partis qui parviennent à maitriser leur image en temps de crise peuvent se réinventer plus fort. À l’inverse, les leaders qui échouent à gérer les tensions en leur sein risquent l’érosion de leur base et l’implosion de leur parti.

Antoine BLAGNON

Je suis Antoine BLAGNON, Consultant en communication, Formateur, Écrivain - auteur de S'ACCOMPLIR - Rien ne sauve autant que l'amour. Pour toute aide en communication ou pour optimiser votre stratégie, n'hésitez pas à me contacter. Web Et Editions est à votre disposition pour vous accompagner dans tous vos projets de communication et d'édition.

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