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En Côte d’Ivoire, 2025 se joue dans la rue… et dans le numérique

« Wir sind das Volk », Nous sommes le Peuple.

Alors que la Côte d’Ivoire se dirige résolument vers l’élection présidentielle d’octobre 2025, l’espace public national s’anime d’une effervescence politique de plus en plus vibrante. Les week-ends récents en témoignent ; ils ont été marqués par d’imposantes mobilisations des partisans, tour à tour, de CAP Côte d’Ivoire à Yopougon, du PPA-CI à Port-Bouet, du PDCI aux II Plateaux et plus récemment du RHDP au parc des Expositions de Port-Bouet et au stade Ebimpé.

On le voit bien, ces rassemblements ponctués de discours énergiques traduisent la surenchère militante. Les formations politiques rivalisent d’ardeur pour galvaniser leurs partisans dans la perspective de l’élection reine de Côte d’Ivoire, l’élection du président de la République.

Ces démonstrations de force rappellent, en creux, l’importance stratégique de la mobilisation citoyenne dans tout système démocratique. Un peuple organisé, doté d’une conscience citoyenne, peut infléchir le cours des décisions publiques, voire redessiner les trajectoires politiques nationales.

L’histoire récente de l’époque contemporaine l’atteste. D’Atlanta à Washington (USA) avec Martin Luther King, de Leipzig (Allemagne) à Sidi Bouzid (Tunisie), jusqu’à place Tarhir au Caire (Egypte), l’histoire nous enseigne que la force vaillante de la masse a déjà façonné des tournants politiques majeurs. Rappelons quelques cas…

Quand les peuples changent le cours de l’histoire

Les marches pour les droits civiques aux États-Unis

Le 28 août 1963, plus de 250 000 personnes convergent vers Washington à l’appel du mouvement américain des droits civiques. Ce jour-là, entré dans l’histoire, Martin Luther King prononce, au pied du Lincoln Memorial, son discours devenu légendaire : « I Have a Dream ».

Fruit d’un long combat collectif mené dans la non-violence, cette mobilisation massive jouera un rôle déterminant dans l’adoption du Civil Rights Act de 1964. Ce texte historique promulgué dès son adoption au Congrès par le président Lyndon Johnson mettra officiellement fin à la ségrégation raciale dans les lieux publics et à la discrimination à l’embauche.

Blancs et Noirs avaient désormais théoriquement les mêmes opportunités, notamment face à l’emploi.

La chute du mur de Berlin

Un autre exemple emblématique de la puissance des peuples, c’est la mobilisation populaire massive en Allemagne de l’Est en 1989. Avec des manifestations hebdomadaires à Leipzig rassemblant des centaines de milliers de citoyens, le régime communiste de Berlin-Est s’est effondré le 09 novembre de cette année-là sous la pression de la rue, et a donné lieu à la réunification des blocs Est et Ouest. Des milliers d’Allemands avec leur slogan « Wir sind das Volk » (Nous sommes le peuple), ont bravé la Stasi (police politique) et réussi le pari historique de se retrouver ensemble.

Les Printemps arabes (2010-2012)

Déclenchés en Tunisie par le suicide de Mohamed Bouazizi et l’indignation nationale du peuple opprimé par le régime en place, des mouvements populaires se sont propagés comme une traînée de poudre jusqu’en Égypte, en Libye, en Syrie… À travers les réseaux sociaux, des citoyens de ces pays, longtemps tyrannisés, sont descendus dans les rues pour exprimer leur ras-le-bol des dictatures et des injustices sociales. Ces mobilisations ont entraîné la chute de plusieurs régimes, dont celui de Ben Ali et d’Hosni Moubarak, mais aussi, dans certains cas, des guerres civiles comme en Libye.

Ce dernier cas révèle l’ambivalence du pouvoir de la masse lorsqu’il est corrompu ou n’est pas structuré.

Burkina Faso – L’insurrection populaire

En Afrique de l’Ouest, l’exemple du Burkina Fasoest illustratif. En octobre 2014, face à la tentative de modification de la constitution du président Blaise Compaoré pour maintenir son régime au pouvoir après avoir fait quatre mandats de cinq ans, des milliers de Burkinabè descendent dans les rues pour le forcer à la démission. C’est l’un des cas récents les plus spectaculaires de basculement du pouvoir sous la pression populaire.

Comment la masse influence-t-elle les décideurs et conduit à des changements ?

Plusieurs mécanismes peuvent être à l’œuvre :

  • La légitimité par le nombre

Un rassemblement massif prouve qu’une cause dépasse les clivages, qu’elle est partagée par un grand nombre de personnes, et qu’il faut l’entendre.
Exemple : la « Marche des Femmes sur Grand-Bassam » de décembre 1949 qui firent reculer les autorités coloniales de l’époque.

  • La pression économique

Grèves générales, boycotts… Pendant la gouvernance de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire, on a noté des arrêts corporatistes de travail, notamment dans le transport, paralysant l’économie et la quiétude sociale.

  • L’effet de « Contagion »

Le Printemps Arabe est l’exemple typique de ce qu’une étincelle (l’immolation de Mohamed Bouazizi) peut embraser des nations. La Tunisie, l’Egypte, l’Algérie… furent sous la pression de la rue pendant plusieurs semaines par effet de contagion.

Masses numériques, vagues de mobilisation

À l’ère du numérique, la masse qui n’avait pas droit de cité dans les médias publics ne s’exprime plus seulement dans la rue. Elle agit, s’indigne, milite, s’organise aussi en ligne. Il faut désormais compter avec les hashtags fédérateurs, les pétitions 2.0, le cybermilitantisme ; en somme, les canaux d’expression de l’engagement citoyen se sont diversifiés. L’espace virtuel vient renforcer la rue. Là aussi, des exemples l’attestent.

  • En 2020, le mouvement Black Lives Matter a réuni des millions de personnes à travers le monde, à la suite de la mort de George Floyd. Ce sont des vidéos virales et la mobilisation sur les réseaux sociaux qui ont donné une ampleur mondiale à cette cause. Résultat des courses : des réformes policières ont été engagées aux USA et un débat mondial sur le racisme systémique a révélé des pratiques controversées des sécurocrates.
  • La campagne africaine #BringBackOurGirls initiée sur les réseaux sociaux à laquelle s’associeront des figures emblématiques telles que Michelle Obama, épouse de Barack Obama alors président des USA, va porter à l’échelle mondiale la cause des filles, 276 lycéennes, enlevées par Boko-Haram dans le nord du Nigeria. La pression en ligne finira par décider le président Goodluck Jonathan à rencontrer les familles ; et la communauté internationale proposera des moyens logistiques pour retrouver les filles.

En Côte d’Ivoire, 2025 se joue dans la rue… et dans le numérique

En Côte d’Ivoire, les rassemblements pré-électoraux, au-delà de montrer l’ancrage électoral des groupements politiques, de stimuler l’engagement des sympathisants, de tester la capacité de mobilisation, s’inscrivent dans cette tradition : faire pression sur les décideurs et sur les concurrents. Les mobilisations massives ne visent donc qu’à instaurer un rapport de force numérale, à marquer les esprits, à créer un effet d’adhésion ou d’intimidation, à rechercher un effet de contagion.

Le défi alors, c’est de transformer cette énergie collective dans un projet structuré et pacifique, de la canaliser dans une évolution politique positive, loin des crises électorales mortifères. Car si la masse peut forcer le changement, elle peut aussi être manipulée, fracturée, ou se retourner contre ses propres aspirations lorsqu’elle est instrumentalisée.

Le peuple, faiseur de pouvoir ou manipulé comme un décor ?

De l’époque de Martin Luther King Jr. à nos jours, une évidence persiste : aucun pouvoir ne résiste indéfiniment à une marée humaine déterminée. Le pouvoir de la masse est une constante de l’histoire politique, il peut libérer, réformer, renverser ou reconstruire. Mais la masse n’est efficace que si elle se structure avec des leaders éclairés, propose des alternatives au-delà de la protestation et reste pacifique. Car la violence discrédite la cause.  

Cependant, sa puissance ne se mesure pas qu’au nombre de manifestants. Elle réside aussi dans la qualité de son organisation, dans la clarté de la vision de ceux qui la dirigent, et dans la légitimité de ses revendications.

En Côte d’Ivoire, nous avons l’occasion d’écrire un chapitre de cette histoire en étant des acteurs éclairés, « transis » de cette conscience citoyenne, critiques et stratèges, capables de penser notre engagement au-delà de l’effet de foule, sans jamais s’abandonner aux quolibets faciles.

« Aucune armée n’arrête une idée dont l’heure est venue. », Victor Hugo, in Histoire d’un crime, 1877.

Antoine BLAGNON

Je suis Antoine BLAGNON, Consultant en communication, Formateur, Écrivain - auteur de S'ACCOMPLIR - Rien ne sauve autant que l'amour. Pour toute aide en communication ou pour optimiser votre stratégie, n'hésitez pas à me contacter. Web Et Editions est à votre disposition pour vous accompagner dans tous vos projets de communication et d'édition.

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