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La recherche en communication est l’architecte de la paix sociale.

« Les mots sont des armes ; sur une bonne langue ils instruisent, sur une mauvaise ils incendient. »

À l’approche de l’élection présidentielle d’octobre 2025, la Côte d’Ivoire vit au rythme des meetings et bruisse de discours mobilisateurs, de slogans incisifs et… de rumeurs. Sur les réseaux sociaux et dans les messageries, des vidéos grossièrement manipulées, des photomontages outranciers, des « analyses » péremptoires, des fake-news circulent et alimentent la colère et la défiance des militants et des sympathisants des partis politiques.

Or, plusieurs études dont celles portant sur le génocide Rwandais ou encore, celle plus récente, de African Affairs sur la crise post-électorale de 2020, démontre que les flambées de violence à grande échelle trouvent généralement leur étincelle dans une fausse information partagée sans précaution ; Il est de ce fait impératif de contrer ce phénomène grandissant avant que le pays ne s’embrase.

Des initiatives au nombre desquelles la campagne « Stop aux sorciers numériques » appelant chacun à vérifier l’authenticité de l’information avant de la relayer sont lancées avec pour objectif de sensibiliser le public et désamorcer les crises.

Malgré tout, dans les QG politiques, dans les agoras, dans les « grins », en période pré-électorale, la surenchère s’accentue, venant parfois de personnes dépositaires de l’autorité publique. Chaque camp, gouvernant comme gouverné, se dit « victime d’injustice », « victime de mépris », et les invectives préparent psychologiquement le terrain à l’affrontement physique inévitable.

Dans un climat tendu pareil, il est essentiel de se pencher sur la recherche en communication qui fournit un arsenal méthodologique pour contenir l’escalade actuelle. La recherche en communication affine les technologies et les techniques de détection des fausses informations et cartographie les réseaux qui les propagent. Elle éclaire sur la psychologie et les usages médiatiques des populations. Grâce à la recherche en communication, l’on va comparer les modèles de modération et les cadres juridiques d’autres sphères afin d’aider les décideurs, par des propositions concrètes, à prendre des mesures en vue de concilier la lutte contre les discours haineux sur les réseaux sociaux et la préservation d’un débat public libre et serein. Dans le prolongement de cette idée, les partis politiques, les ONG, les médias et les régulateurs pourraient investir davantage d’efforts à promouvoir des pratiques éthiques en communication ; toutes choses qui devraient contenir la violence et consolider la démocratie en Côte d’Ivoire.

Stratégies de contre-discours

La recherche en communication expérimente des récits « dépolarisants » capables de remplacer la rhétorique binaire par des narrations inclusives. Elle offre des arguments pour remplacer les mensonges par des récits constructifs. Dans ce cadre, on pourrait imaginer une assemblée d’autorité sur la lutte contre la désinformation en ligne pour renforcer l’efficacité des campagnes collaboratives, en associant notamment des leaders religieux, des artistes, des journalistes, etc., qui se chargeraient de diffuser des messages positifs et interpeler les discours haineux. Des spots radio co-créés avec des influenceurs locaux, diffusés en dioula, en bété, en guéré ou d’autres langues, pourraient mieux toucher les populations notamment en zones rurales que ces messages institutionnels placardés à grands frais sur les panneaux routiers et dont très peu de gens remarquent le contenu. D’autre part, des ateliers d’éducation aux médias, inspirés du modèle sénégalais « Bàyyi Fas » (« Laisse tomber les mensonges »), formeraient les individus à vérifier les textes, les images, les rumeurs qui passent sur leurs écrans avant de les partager, de les endosser.

Apaiser sans nier les frustrations

Les militants chauffés à blanc par des discours partisans fielleux se laissent parfois aller à des comportements incriminables. Les partis politiques gagneraient à former leurs porte-parole à des discours assertifs afin qu’ils évitent les termes divisifs (traître, ennemi, rebelle…) au profit d’un langage qui encourage un débat sain. Mieux, il faut mettre en place des campagnes de prévention de la violence qui vont utiliser des témoignages de victimes des violences politiques de 2011 et 2020 pour promouvoir le dialogue et la paix. Cela suppose que les victimes sont reconnues comme telles, que les hommes politiques assument leurs erreurs passées, et que l’on bannit le ton accusatoire et moralisateur en se parlant. Il est absolument nécessaire de reconnaitre les émotions des autres avant de proposer un cadre critique dans lequel sont délivrés des messages de paix. En Afrique du Sud par exemple, des campagnes contre la non-violence ont utilisé des témoignages de victimes de violences politiques pour promouvoir le dialogue.

Vers une charte éthique

Tout près de nous, en 2023, le Ghana a adopté un « code de conduite des communicateurs politiques », élaboré avec des chercheurs de l’Université de Legon. Résultat, on a constaté une baisse de 40 % des publications haineuses en ligne lors des élections locales. La Côte d’Ivoire pourrait s’en inspirer, en associant universités, plateformes numériques et CNDH (Commission Nationale des Droits de l’Homme) pour encadrer les discours sans censure. La recherche permettrait d’évaluer en temps réel l’impact de ces mesures, tout en ajustant les approches, si nécessaire.

Aller vers des pratiques de communication responsables grâce à la recherche

  1. Institutionnaliser la veille scientifique
    • Il faut créer, au sein des partis politiques, des médias et de la société civile, des cellules adossées à l’université pour traduire les résultats de recherche en communication en protocoles opérationnels.

  2. Former les acteurs politiques
    • Des modules obligatoires de « communication éthique » pour les directeurs de campagne, inspirés des travaux récents sur les styles de persuasion non violente, pourraient être institués.

  3. Impliquer la société civile
    • Des hackathons et autres ateliers de littératie médiatiques pour les jeunes, en association avec les campagnes gouvernementales déroulées devraient assurer un plus grand impact sur les populations.

  4. Mesurer et corriger en continu
    Il faut mettre en place des indicateurs de confiance et d’engagement pacifique sur les réseaux ; les ajustements tactiques seront fondés sur des données scientifiques plutôt que sur l’instinct militant.

Investir dans l’intelligence collective

La prochaine présidentielle ne se jouera pas seulement dans les urnes ; elle s’incarne déjà dans les rues, sur les écrans et dans l’imaginaire collectif forgé par les flux numériques. Il revient aux acteurs politiques, s’appuyant sur des données scientifiques, de transformer leurs pratiques, de remplacer la surenchère par le dialogue, les fake-news par l’information juste, l’ignorance par l’éducation. Sans un pont solide entre la recherche académique, l’éthique en communication et les communicateurs précautionneux, chaque tweet mensonger, chaque publication fantaisiste, chaque vidéo truquée pourrait déclencher l’étincelle d’un incendie.

Investir dans la recherche en communication, c’est offrir aux partis politiques, aux médias et aux citoyens des outils d’éclairage ; c’est substituer à la colère brute une controverse nuancée ; c’est, donner à la démocratie ivoirienne la chance de grandir sans aucune autre violence.

L’enjeu est de taille. L’élection d’octobre 2025 sera, à ce titre, un examen grandeur nature pour notre pays. Préparons‑le avec rigueur scientifique et sens civique ! l’histoire retiendra moins nos discours belliqueux, que notre capacité à préserver le débat d’idées et la paix.

Recommandations

  • Aux partis politiques : financez des cellules de communication formées aux sciences sociales.
  • Aux médias : collaborez avec les chercheurs pour créer des observatoires de la désinformation.
  • Aux citoyens : exigez de vos leaders et des autorités des discours factuels, et relayez les contenus vérifiés.

La paix sociale ne se décrète pas, elle se construit avec des mots, du dialogue, du consensus. La recherche en communication est l’architecte méconnue mais essentielle de la paix sociale. Dans tous les pays démocratiques, les forces politiques ont toutes leurs places dans les médias, et dans la rue, pour exprimer leurs opinions et leurs émotions.

Antoine BLAGNON

Je suis Antoine BLAGNON, Consultant en communication, Formateur, Écrivain - auteur de S'ACCOMPLIR - Rien ne sauve autant que l'amour. Pour toute aide en communication ou pour optimiser votre stratégie, n'hésitez pas à me contacter. Web Et Editions est à votre disposition pour vous accompagner dans tous vos projets de communication et d'édition.

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