Ce samedi 7 décembre 2024, je suis captivé par la retransmission en direct, à la télévision, de la cérémonie de réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Cet événement marque la fin de sa restauration après l’incendie dévastateur qui l’a ravagée en 2019, et sa restitution au clergé catholique.
Alors que j’observe le déroulement de la cérémonie, je remarque avec attention le protocole rigoureusement orchestré : le chef de l’État français, Emmanuel Macron, accompagné de son épouse Brigitte, accueillent avec alacrité des « grands » de ce monde, leurs invités, sur le parvis, puis les dirigent avec solennité vers l’intérieur de l’édifice. Je suis également frappé par le cérémonial d’ouverture des grandes portes de la cathédrale, ces coups portés sur ces accès avec le bout inférieur de sa canne par l’archevêque de Paris, Laurent Ulrich.
Tout semble minutieusement conçu pour impressionner, pour communiquer une image forte : celle du rayonnement de la France et de son peuple. Cette cérémonie, retransmise en mondovision, dépasse dans ce contexte le simple cadre religieux ou patrimonial. Elle devient un puissant acte d’affirmation de la grandeur et de la résilience de la nation française.
Au-delà du prestige véhiculé, se pose la question essentielle de savoir comment les médias, en diffusant ces images, influencent-ils notre perception ? Les médias ne se contentent pas ici de retranscrire la réalité ; ils la façonnent, parfois subtilement, en sélectionnant, en commentant et en interprétant certains aspects de cette cérémonie.
Décryptons plus largement les mécanismes par lesquels les médias influencent le public, nous entrainent. Ces mécanismes reposent sur plusieurs dynamiques.
La hiérarchisation de l’information
Les médias décident des événements à couvrir et de l’importance qu’ils leur accordent. Ce processus, appelé agenda-setting, conditionne la manière dont le public perçoit l’actualité. Il façonne la construction de nos perceptions, de nos opinions et de nos comportements. Leur impact repose sur une combinaison subtile de choix éditoriaux, de techniques de persuasion et de mécanismes de diffusion. Par exemple, les médias ont amplifié l’inquiétude collective autour du Covid-19, pourtant, pire que le coronavirus, chaque année, la malnutrition cause la mort de trois millions d’enfants de moins de 5 ans selon l’OMS et l’UNICEF, un fléau qui attire pourtant moins l’attention de ces derniers. L’un des leviers fondamentaux de cette influence des médias réside dans la hiérarchisation de l’information. Ainsi, les choix éditoriaux influent directement sur la manière dont le public perçoit l’actualité.
Le cadrage ou framing
De plus, les médias ne se limitent pas à relayer des faits : ils les présentent sous un angle spécifique. Fait avec talent, cela influence notre compréhension de la réalité. Ce phénomène, appelé framing ou cadrage, illustre comment un même événement peut être perçu différemment selon la narration choisie. Un chef d’Etat africain, par exemple, peut être décrit comme un « putschiste » pour les dirigeants occidentaux ou comme un « pacifiste éclairé » pour ses concitoyens.
Technique de persuasion médiatique : la répétition
Pour captiver et orienter l’opinion publique, les médias s’appuient sur des techniques de persuasion variées, parmi celles-ci, la répétition. Lorsqu’un message est diffusé à plusieurs reprises, il tend à s’imposer comme une vérité évidente ; ce phénomène est connu sous le nom d’effet de simple exposition. Les slogans publicitaires ou politiques en sont une illustration emblématique, ils influencent les comportements d’achat ou les choix électoraux. En Afrique francophone, notamment, le média RFI a beaucoup usé de cette technique pour promouvoir les positions et valeurs de l’hexagone.
Technique de persuasion médiatique : l’appel à l’émotion
L’appel à l’émotion est une autre stratégie puissante. Les récits chargés d’émotions, souvent illustrés par des images saisissantes ou des vidéos choquantes, touchent profondément le public et incitent à l’action. La diffusion de reportages sur la faim des enfants en Ethiopie, par exemple, a suscité des élans de solidarité dans le monde et encouragé des dons et des actions en faveur de ces populations.
L’impact des réseaux sociaux : la chambre d’écho
Avec l’avènement des plateformes numériques, l’impact des médias traditionnels est davantage amplifié. Les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter ou TikTok ont transformé la manière dont l’information circule. Ces plateformes facilitent le partage rapide de l’information tout en introduisant de nouvelles dynamiques. Les algorithmes, notamment ceux de TikTok, tendent à enfermer les utilisateurs dans des « chambres d’écho » où leurs croyances sont renforcées par des contenus conformes à leurs préférences. Ce phénomène limite l’exposition à des points de vue divergents et renforce les biais cognitifs. C’est pourquoi il faut autant que nécessaire s’ouvrir à des opinions divergentes avant de se faire une conviction propre sur un sujet donné.
L’impact des réseaux sociaux : la viralité des fake news
Par ailleurs, la viralité des fake news est devenue un défi majeur. Les informations fausses ou biaisées se propagent souvent plus rapidement que les corrections factuelles. Ceci influence les perceptions du public avant que la vérité ne soit rétablie. Une rumeur sur la dangerosité d’un produit peut ainsi affecter sa réputation et ses ventes, même après un démenti officiel. Il faut dès lors, en tant qu’utilisateur, toujours vérifier ses sources en cas du moindre doute. Les décideurs quant à eux devraient veiller à davantage combattre ce fléau.
Influences des médias sur les comportements
Au-delà de l’opinion, les médias influencent également nos comportements quotidiens. Les campagnes publicitaires, notamment, façonnent nos habitudes de consommation, tandis que les tendances promues par les influenceurs sur TikTok, Instagram ou YouTube dictent parfois les choix de consommation des jeunes générations. Sur le plan social, les représentations médiatiques contribuent à redéfinir les normes et les valeurs. Par exemple, la visibilité croissante des luttes pour l’égalité des genres ou la diversité a joué un rôle significatif dans l’évolution des mentalités, même si en Afrique, il reste encore beaucoup à faire pour protéger les minorités. Les campagnes contre les « Woubis (homosexuel en argot ivoirien) » montrent la nécessité de renforcer cet engagement.
Les résistances à l’influence des médias
Cela dit, il faut nuancer le propos. L’influence des médias n’est pas absolue. Les médias ne dictent pas totalement nos pensées ou actions. Plusieurs facteurs limitent leur pouvoir. L’esprit critique notamment, encouragé par l’éducation aux médias, permet à une partie croissante de la population de développer leur vigilance, d’analyser les messages diffusés avec discernement et de rechercher le message juste. Par ailleurs, la diversité des sources d’information offre une pluralité de perspectives, nécessaire pour diluer l’impact d’une narration unique. Autrement, dans un paysage médiatique pluriel, les individus ont accès à une variété de points de vue qui limitent l’impact d’une seule source.
En définitive, les médias possèdent un pouvoir considérable, capable d’éduquer et d’informer autant que de manipuler ou de polariser. Les médias façonnent nos opinions et comportements à travers des mécanismes complexes. Il est bon de comprendre les mécanismes de leur influence pour consommer l’information de manière éclairée et consciente. Dans ce monde saturé de contenus, le discernement et la réflexion critique sont les meilleures armes contre la désinformation et les manipulations.