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Réseaux sociaux et communication politique en Côte d’Ivoire à l’aube de la présidentielle 2025

Le paysage politique ivoirien connaît depuis quelques années une mutation profonde. Facebook, WhatsApp, TikTok, Twitter (désormais X), et dans une moindre mesure LinkedIn, pour ne citer que ceux-là, sont désormais des espaces virtuels incontournables. Ces plateformes servent à « visibiliser » les leaders et les partis politiques, à organiser des mobilisations militantes, à échanger des idées, à partager des projets… Les citoyens et les acteurs politiques ont désormais pleinement conscience de leur puissance et les investissent massivement, et sans complexe. Mieux, les réseaux sociaux redéfinissent les codes de l’engagement politique en facilitant notamment l’adhésion aux partis.

Cette évolution n’est pas propre à la Côte d’Ivoire. Elle s’inscrit dans une dynamique plus large de numérisation de la vie citoyenne en Afrique. Ce tournant s’est amorcé en Tunisie avec le suicide de Mohamed Bouazizi dont la diffusion sur les réseaux sociaux a provoqué une onde de choc nationale. Cette vague d’émotion a déclenché la révolte populaire qui a conduit à la chute du régime de Ben Ali.

En Côte d’Ivoire, en raison du contexte électoral et des tensions politiques récurrentes à l’approche de l’élection présidentielle d’octobre 2025, exacerbés notamment par la radiation et la non-inscription de candidats potentiels sur la liste électorale, le débat enflamme les réseaux sociaux et alimente les tensions.

Les joutes partisanes, autrefois confinées aux meetings et aux médias traditionnels, explosent désormais sans filtre sur TikTok, Facebook, et autres plateformes sociales. Militants, partis et citoyens y défendent activement leurs convictions, interpellent les institutions et leurs dirigeants, et participent ainsi à l’animation, parfois virulente, du débat public.

Entre contournement et amplification

Dès lors, la communication politique sur les réseaux sociaux s’inscrit dans une véritable logique d’influence. Elle permet de toucher directement des publics ciblés avec des objectifs précis et mesurables.

L’exemple de Laurent Gbagbo est révélateur. Acquitté à la CPI, il a vu sa notoriété s’étendre aux confins de l’Afrique, notamment grâce à l’activisme de ses sympathisants sur les réseaux sociaux.

De son côté, Tidjane Thiam, président du PDCI-RDA, investit massivement ces plateformes sociales avec notamment sa « Team Thiamiste du Net », dans une stratégie assumée de contournement des médias traditionnels souvent perçus comme inféodés à ses adversaires du RHDP ou ouvertement hostiles à sa cause. À travers des vidéos courtes, des podcasts, des prises de parole en direct sur Tik Tok, Facebook et Youtube, des publications au ton déterminé, il organise une communication offensive dont le but visé est de créer une proximité inédite avec ses partisans depuis son « exil » en France, tout en maîtrisant son image publique.

Les réseaux sociaux offrent ainsi une tribune directe, instantanée et peu coûteuse pour s’assurer une visibilité que peu de canaux classiques peuvent fournir.

Cependant, cette liberté s’accompagne de défis structurels importants. La désinformation, la polarisation, les attaques personnelles, la manipulation des opinions… en sont quelques-uns.

Les jeunes, une cible stratégique sur les réseaux sociaux

En Côte d’Ivoire, plus de 60 % de la population est jeune. Et ce sont ces jeunes qui forment la majorité active sur les plateformes sociales. Ce n’est donc pas un hasard si la plupart des contenus politiques sont conçus dans un langage émotionnel, parfois provocateur, pour capter l’attention de cette jeunesse connectée, mais souvent désenchantée par les promesses politiciennes.
L’enjeu est de les convaincre et de les mobiliser dans le corps électoral.

Les équipes de communication des politiques l’ont si bien compris qu’ils misent sur des formats dynamiques et créatifs pour les séduire. Les hashtags viraux, les vidéos courtes et percutantes, les panels et challenges TikTok sont autant d’instruments mobilisés pour conquérir l’engagement de cette frange décisive de l’électorat. Chaque parti tente ainsi de créer sur les réseaux sociaux un sentiment d’appartenance, une forme d’enthousiasme, voire une militance numérique adaptée aux codes et aux usages de cette génération.

Vers une professionnalisation de la communication politique

De ces expériences, il en ressort que la sophistication croissante des campagnes digitales pousse les partis politiques à recourir à des communicants professionnels. De plus en plus, en Afrique, à l’instar de ce qui se fait en Occident, la politique se pense comme une marque, avec un storytelling captivant, un graphisme soigné, une tonalité reconnaissable, une stratégie éditoriale unique, et des indicateurs de performance surveillés.

Cependant, il reste des marges d’amélioration. LinkedIn, par exemple, demeure encore largement sous-exploité alors qu’il offre un espace de prise de parole crédible, notamment pour les figures politiques soucieuses de dialoguer avec les élites économiques, la diaspora ou les décideurs internationaux.

Les défis d’une démocratie numérique

Si les réseaux sociaux démocratisent la parole, ils accentuent aussi certaines fractures sociales. Il est donc nécessaire de veiller à faciliter l’accès à Internet notamment dans les zones rurales et auprès des populations économiquement précaires. A cela, doit s’associer un effort d’éducation numérique qui va consister à promouvoir le fact-checking, à cultiver l’esprit critique face aux sources d’information, et à renforcer les compétences médiatiques des citoyens.

Par ailleurs, une meilleure régulation des plateformes sociales s’impose. Elle doit permettre de lutter contre les dérives sans pour autant faire peser sur la liberté d’expression des menaces disproportionnées, ni même favoriser la censure ou les arrestations arbitraires liées aux opinions exprimées en ligne.

Malgré ces écueils, le numérique incarne l’espoir d’un contre-pouvoir informel mais vital capable de rééquilibrer les rapports entre gouvernants et gouvernés, et de faire la part entre information institutionnelle et voix citoyennes. 

Une opportunité et une responsabilité

Les réseaux sociaux sont désormais au cœur de la politique ivoirienne. Ils représentent une formidable opportunité de réinventer la relation entre les citoyens et les gouvernants. Mais cette nouvelle donne implique une grande responsabilité qui est de bâtir un espace numérique plus éthique, transparent, démocratique.

Une chose est sûre, en Côte d’Ivoire comme ailleurs en Afrique, l’ère du politicien omniprésent sur les estrades est révolue. Désormais, pour convaincre et gagner, il faut aussi dominer sur les écrans… portables.

Antoine BLAGNON

Je suis Antoine BLAGNON, Consultant en communication, Formateur, Écrivain - auteur de S'ACCOMPLIR - Rien ne sauve autant que l'amour. Pour toute aide en communication ou pour optimiser votre stratégie, n'hésitez pas à me contacter. Web Et Editions est à votre disposition pour vous accompagner dans tous vos projets de communication et d'édition.

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